mardi 28 juin 2011

« VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT » - LIVRE EXCEPTIONNEL - DEUXIÈME PARTIE

Dans la première partie, publiée le 22 juin dernier, je vous ai présenté le contexte dans lequel j’ai fait connaissance avec ce livre et je vous l’ai résumé. J’ai commencé à vous proposer quelques perles portant sur la vision de la guerre selon Céline, au travers son personnage principal, Ferdinand Bardamu. Aujourd’hui, je vous présente d’autres perles qui portent aussi sur la guerre, et d’autres sujets .
Sur la superficialité de la guerre et de ce qu’en pensent ceux qui ne la font pas : Dans un dialogue entre Bardamu et le grand professeur de l’hôpital psychiatrique où il est interné, le Dr Bestombes. (il se fait interner volontairement pour éviter d’être tué).
« La guerre, voyez-vous, Bardamu, par les moyens incomparables qu’elle nous donne pour éprouver les systèmes nerveux, agit à la manière d’un formidable révélateur de l’Esprit humain ! Nous en avons pour des siècles à nous pencher, méditatifs, sur ces révélations pathologiques récentes, des siècles d’études passionnées. Nous ne faisions que soupçonner jusqu’ici les richesses émotives et spirituelles de l’homme ! Mais à présent, grâce à la guerre, c’est fait !...Nous pénétrons, par suite d’une effraction douloureuse certes, mais pour la science décisive et providentielle, dans leur intimité ! »…………… « Ah ! les petits soldats, remarquez-le, et dès les premières épreuves du feu, ont su se libérer spontanément de tous les sophismes et concepts accessoires, et particulièrement des sophismes de la conservation. Ils sont allés d’instinct et d’emblée se fondre avec notre véritable raison d’être, notre Patrie. Pour accéder à cette vérité, non seulement l’intelligence est superflue, Bardamu, mais elle gêne (note:sic !!) C’est une vérité du cœur, la Patrie, comme toutes les vérités essentielles, le peuple ne s’y trompe pas ! là précisément où le mauvais savant s’égare »
Je me demande si on pense encore comme cela, c’a doit être une des raisons pour lesquelles on ne peut discuter d’un ordre venant d’un supérieur, même si l’intelligence obligerait à un instant de réflexion. Véritable chair à canon que ces soldats de la première guerre !
J’imagine que vous vous dites : je ne lirai pas ce livre, car il me semble très déprimant. C’est sûr que la trame historique réelle sur laquelle repose cette première partie du roman n’est pas jo-jo !, mais l’intérêt réside dans l’analyse socio-politique de cette période que fait Céline à  travers les dialogues des personnages que côtoie Ferdinand Bardamu. Je trouve cela fascinant. Les mots utilisés sont subtils, ils frappent et ciblent toujours une partie de notre intelligence émotive.
Suis la période africaine, où Bardamu se retrouve dans une région difficile pour tenter de faire du petit commerce. C’est dans cette partie que tout le racisme de Céline ressort. Incroyable un tel racisme. Quelques exemples : Ceci est la réponse que le commerçant blanc donne au paysan, venu lui porter, avec toute  sa famille, le caoutchouc « naturel » pour le vendre.
« Toi, y a pas savoir argent ? Sauvage alors ? – Toi y en a pas parler « francé » dis ? Toi y en a gorille encore hein ?...Toi y en a parler quoi, hein ? Kous kous ? Mabillia ? Toi y en a couillon ! Bushman ! Plein couillon !  et c’a continue des pages et des pages……Passage obligé vers l’Amérique, où Céline emmène Bardamu, en pleine révolution industrielle.
Puis, Bardamu devient médecin et s’installe dans un petit village où il a de la difficulté à joindre les deux bouts, car ses patients ne le paient pas. Une des remarques de Bardamu à Robinson, son ami : « Mais mes clients n’y tenaient pas à ce que j’accomplisse des miracles, ils comptaient au contraire sur leur tuberculose pour se faire passer de l’état de misère absolue où ils étouffaient depuis toujours à l’état de misère relative que confèrent les pensions gouvernementales minuscules. Ils traînaient leurs crachats plus ou moins positifs de réforme en réforme depuis la guerre. Ils maigrissaient à force de fièvre soutenue par le manger peu, le vomir beaucoup, l’énormément de vin, et le travailler quand même, un jour sur trois, à vrai dire… » Je crois qu’Il y a encore de ce genre de misère, même ici. En 1984, jeune médecin, j’ai fait une visite à domicile à une famille de 4 enfants qui vivaient dans un sous sol reposant sur la terre, sans fondation. Il y a peut-être moins de misère ici qu’ailleurs, mais quelquefois je me demande si c’est plus difficile de manquer de quelque chose lorsque tu sais qu’à quelque pieds de toi, il y en a qui ont tout !?
Enfin, dernier passage du roman. C’est une réflexion de Ferdinand sur la guerre et la maladie. Ferdinand est alors responsable d’un asile, en banlieue de Paris. « Aux quelques fenêtres des réfectoires qui donnaient sur la rue les fous venaient parfois hurler et ameuter le voisinage, mais l’horreur leur restait plutôt à l’intérieur. Ils s’en occupaient et la préservaient leur horreur, personnellement, contre nos entreprises thérapeutiques (NB - à cette période, il n’y avait aucun médicament connu efficace – note de  CP) c’a les passionnait cette résistance. En pensant à présent à tous ces fous que j’ai connus chez le père Baryton, je ne peux m’empêcher de mettre en doute qu’il existe d’autres véritables réalisations de nos profonds tempéraments que la guerre et la maladie, ces deux infinis du cauchemar »
Et voilà, à lire, je crois. Pour se souvenir d’où nous venons, apprécier ce que nous avons et travailler plus fort pour vaincre la pauvreté et éviter les guerres. Au moins, il n’y a plus de guerre impitoyable comme les deux guerres mondiales du XXième siècle……pour l’instant !

mercredi 22 juin 2011

LOUIS FERDINAND CÉLINE – « VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT » - livre exceptionnel – première partie

Vous vous rappelez l’affaire « Bertrand Cantat » au Québec. Lors de cette saga, on a pu assister à un dérapage en règle de certains artistes du genre « bon chic, bon genre ». M. Cantat avait été envisagé pour jouer dans une pièce de Wadji Mouawad au TNM. L’annonce de sa venue par la directrice artistique, Lorraine Pintal, avait créé tout un boucan ! La très grande majorité des gens ne reconnaissait pas à l’ancien chanteur de « Noir Désir » le droit de venir jouer dans cette pièce au Québec. On  argumentait avec raison que la nature du crime qu’il avait commis était tel qu’on ne pouvait lui donner le privilège de continuer sa carrière comme si rien ne s’était passé.  Ses défenseurs, eux, argumentaient qu’on devait lui pardonner, car il avait purgé sa peine. On utilisait entre autre l’argument qui est à la source de cette chronique : « Ce n’est pas parce que Louis Ferdinand Céline était antisémite qu’on ne se permettra pas de lire son chef d’œuvre : Voyage au bout de la nuit ».
Alors c’a ma tenté d’aller visiter cet auteur et de lire son roman.
Pivot, dans le « Livre des meilleurs livres », le classe dans les 10 meilleurs romans français de tous les temps. Il fait aussi partie des « Les 1001 livres qu’il faut avoir lu dans sa vie ».
Alors j’y suis allé. Je me suis jeté dans le roman du Dr Céline comme je me jette dans l’Atlantique lors de mes vacances dans le Maine : appréhensif, car je ne connais jamais la température de l’eau et les courants que je rencontrerai.
Je suis sorti de ce livre comme je sors de l’eau du Maine : revigoré, énergique, content, mais perturbé par l’atmosphère difficile dans laquelle l’action se déroule.
C’est tout un roman. Il choque. On le dit anarchique et je crois qu’à l’époque, lors de la parution du livre en 1932, c’était vrai car il bousculait les idées d’une France pétrifiée dans une hiérarchie sociale inacceptable, où les pauvres servent de chair à canon et d’ouvriers exploités.
« Ce récit à la première personne retrace les expériences du jeune narrateur, Bardamu, depuis le début de la première guerre mondiale lorsqu’il s’engage à 20 ans, jusqu’aux années 30 où il devient médecin diplômé. »( Les 1001 livres qu’il faut avoir lu dans sa vie, page 352). Entre les deux, il voyage en Afrique (Je ne peux commenter  que Céline était antisémite, car dans ce roman, il n’y a pas de Juifs ni ne commente sur ce peuple, mais lors des péripéties de Bardamu en Afrique, ses commentaires sur les noirs sont tellement racistes, que je me demande si ce n’est pas par sarcasme, mais je ne crois pas. Faut le lire pour le croire)
Voici quelques perles, tirées du roman
Sur l’Âme : « L’Âme, c’est la vanité et le plaisir du corps tant qu’Il est bien portant, mais c’est aussi l’envie d’en sortir du corps dès qu’il est malade ou que les choses tournent mal »
Sur l’état du soldat français durant la guerre : « Mais nous étions loin de là, titubants dans un idéal d’absurdités, gardés par des poncifs belliqueux et insanes, rats enfumés déjà, nous tentions, en folie, de sortir du bateau de feu, mais n’avions aucun plan d’ensemble, aucune confiance les uns dans les autres. Ahuris par la guerre, nous étions devenus fous dans un autre genre : la peur. L’envers et l’endroit de la guerre. »
Sur la peur de mourir à la guerre : dans un dialogue avec sa maîtresse, appelée Lola, Bardamu déclare : « Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’Il y a dedans…Je ne la déplore pas, moi…Je ne me résigne pas, moi…Je ne pleurniche pas dessus, moi..Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir »…
Intéressant qu’il ne dise pas : « Je ne veux PAS mourir » mais, « je ne veux PLUS mourir » Bardamu est déjà mort, après tout ce qu’Il a vécu dans les tranchées de cette boucherie que fut la première guerre mondiale. Il tente d’ailleurs de se faire déclarer fou. (Tout ceci me rappelle la très grande prévalence du syndrome post traumatique actuellement, nouvelle appellation pour la peur démesurée de la mort que vivent plusieurs soldats lors des guerres du XXIième siècle.)
Lola réplique : « Mais c’est impossible de refuser la guerre, Ferdinand ! Il n’y a que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur Patrie est en danger »
Voici ce qu’ajoute Ferdinand (Bardamu) : « Alors vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous et les lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom, par exemple,  Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent ans ?...Avez-vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms ?... Non, n’est-ce pas ?...Vous n’avez jamais cherché ?. Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnu que le dernier atome de ce presse-papiers devant nous, que votre crotte du matin… Voyez donc bien qu’ils sont morts pour rien, Lola ! ………La preuve est faite ! Il n’y a que la vie qui compte. Dans dix mille ans d’ici, je vous fais le pari que cette guerre, si remarquable qu’elle nous paraisse à présent, sera complètement oubliée…À peine si une douzaine d’érudits se chamailleront encore par-ci, par-là, à son occasion et à propos des principales hécatombes dont elle fut illustrée… »
Lors de la deuxième partie de cette chronique sur Céline, je vous présenterai d’autres perles….parmi tant d’autres.

jeudi 16 juin 2011

ENCORE L’AFFAIRE DSK!! - LES FRANÇAIS ET LA JUSTICE

Je le sais, vous allez dire: Pas encore DSK!! Il a définitivement une fixation sur le sujet !
Et bien la réponse est non, je tente d'oublier cet évènement. Je ne vous dit pas que je n’écouterai ni lirai pas ce qui sera écrit et dit au procès, évidemment.
Ma conjointe lit actuellement la biographie d’André Malraux, par Guillaume Belin. Elle m’a souligné un passage de cette biographie qui est appelée : « L’affaire Malraux ».
L’affaire a lieu en France en 1924. Malraux est accusé d’avoir pillé les ruines d’Angkor (au Cambodge), lors d’un voyage dans ce pays. Il serait revenu avec une multitude de souvenirs( !). L’instruction tire en longueur, plus de 7 mois. Le procès s’ouvre à la mi-juillet 1924. Malraux écope d’une peine de 3 ans de prison et fait appel. Et voilà que se mobilisent une dizaine d’artistes de renom, dont Gide, Mauriac, MacOrlan, André Maurois, Max Jacob, Aragon, etc..pour faire libérer Malraux. Voici la pétition qu’ils font circuler :
« Pour André Malraux
Les soussignés, émus de la condamnation qui frappe André Malraux, ont confiance dans les égards que la justice a coutune de témoigner à tous ceux qui contribuent à augmenter le patrimoine intellectuel de notre pays. Ils tiennent à se porter garant de l’intelligence et de la valeur littéraire de cette personnalité (….) »

Voilà : il y a presque 100 ans, on considérait que la justice française traitait différemment ceux qui « ..contribuent à augmenter le patrimoine intellectuel de notre pays ». Croyez-vous, en ayant lu et écouté les commentaires de certains amis de DSK et d’anciens ministres, que l’affaire DSK eut le même traitement en France qu’elle en a eu aux États-Unis ?
Je ne le crois pas.
Fin de l'affaire: Fin octobre, la cours d'appel le condamne au sursis. Il est libre!!
(Je suis allé voir sur Internet, ce que veut dire "condamné avec sursis", en France. Voic la réponse: Le terme condamné avec sursis signifie que la personne qui a été accusée de méfait doit purger une peine de moins de deux ans. De plus, la personne étant déclarée coupable du méfait n'est pas considérée comme dangereuse pour la société : elle reçoit donc une peine dans la collectivité. Elle demeure en liberté tant et aussi longtemps qu'elle respectera les conditions que le tribunal lui a imposées.)

lundi 13 juin 2011

L’AMPHITHÉATRE DE QUÉBEC, LA RÉVOLUTION ARABE ET LA DÉMOCRATIE

Titre accrocheur et provoquant ; comment comparer tout le processus démocratique entourant la location d’un amphithéâtre avec une révolution qui se fait dans le sang ? Le lien entre les deux est le processus démocratique : le processus d’accès à la démocratie lorsqu’on ne l’a pas pour les uns et les excès qu’on en fait, une fois qu’on est habitué à bénéficier de ses avantages, pour les autres.
Lorsque nous regardons ce qui se passe sur la planète, on ne peut pas dire qu’au Canada et au Québec, nous ayons des gros problèmes. Nous avons un système économique qui nous permet de nous enrichir individuellement et collectivement, tout en redistribuant notre richesse collective (quoique pas autant qu’avant) par un système social qui nous permet de ne pas souffrir des conséquences financières qu’entraîne notre entrée dans le système de santé et d’offrir à nos enfants une éducation à moindre couts qu’ailleurs. Nous sommes en sécurité, nous n’avons pas à nous retourner constamment lorsque nous marchons la nuit dans notre ville et nous avons la possibilité de dire à peu près n’importe quoi sur n’importe quoi et n’importe qui, à l’intérieur de certaines limites qui sont habituellement définies par les tribunaux (par contre, en écoutant certains postes de radio, je me questionne souvent où se trouve cette limite !!). Finalement, à tous les 4-5 ans, on peut voter pour un candidat et/ou un parti en fonction de critères qui nous sont propres. À chaque 4-5 ans, on peut choisir ceux qui vont nous diriger au niveau national, provincial, municipal et même scolaire.
Dans les pays arabes, les citoyens n’ont pas les mêmes droits et privilèges. Le « printemps arabe » est une manifestation de la force d’attraction que peut exercer la recherche de la démocratie par un peuple. Cette recherche de la démocratie est un symptôme de la soif immense qu’ont ces peuples pour la démocratie. Elle représente l’eau à laquelle ils veulent tous s’abreuver. Cette soif est si intense que plusieurs y risquent même leur vie, uniquement  pour exprimer publiquement, par la manifestation, leur opinion sur les régimes politiques qui les dirigent depuis des lunes.
D’un côté, certains vont jusqu’au bout des moyens que leur permet le processus démocratique pour défendre un principe auquel ils tiennent, même si les dirigeants qui ont une opinion contraire ont été élu par une très forte majorité des citoyens,  et d’un autre côté, on assiste impuissant au massacre de citoyens qui veulent seulement exprimer leur opinion sur ceux qui les dirigent !
Mais que vient faire l’amphithéâtre de Québec dans cette dissertation ?
Je crois que ce dossier est le symptôme de ce que j’appelle le débordement de notre système démocratique. Peu à peu, nous perdons le sens de ce que la démocratie peut permettre de faire et ne pas faire. Je suis abasourdi par l’absurdité de l’abus du processus démocratique dans lequel la société québécoise s’est laissée engloutir lors de l’épisode du « bill privé » relié à la location de l’amphithéâtre de Québec.
Pendant que notre société québécoise subit des changements considérables à cause d’une modification significative de l’environnement physique, économique, politique et social dans lequel nous vivons, que ce soit l’impact des changements climatiques sur nos systèmes écologiques, des conséquences de la mondialisation sur notre économie, de notre rôle dans les multiples crises politiques qui nous entourent, de l’augmentation de l’écart entre les riches et les pauvres et de l’augmentation de la pauvreté dans notre société, notre assemblée se permet de passer un temps fou et de consacrer des énergies démesurées pour discuter d’un bill privé qui est l’affaire d’une relation entre une ville et un promoteur. C’est incontestablement une dérive de notre système démocratique.
Notre assemblée et nos politiciens devraient utiliser leur temps et leur énergie pour discuter des grands enjeux auxquels nous faisions face et tenter de trouver des solutions aux problématiques qui vont nous permettre de mieux nous positionner sur l’échiquier planétaire et laisser aux tribunaux le soin de déterminer si un contrat est valable ou non.

mardi 7 juin 2011

RETOUR SUR L’AFFAIRE DSK – MA PRÉDICTION ÉTAIT BONNE !

Le 24 mai dernier, j’écrivais une chronique intitulée : L’AFFAIRE DSK – UNE AFFAIRE DE MORALITÉ DIFFÉRENTE ENTRE DEUX PAYS
Je concluais en  écrivant ceci :
« Je prédis aussi que  cette affaire va déclencher, pour une fois, un vrai débat en France sur l’importance d’avoir une politique de tolérance zéro pour tout ce qui concerne le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle. À peine 10% des femmes violées font une plainte en France, selon un reportage de TF2 entendu dernièrement.  Elle est terminée, l'époque où l'on mettait la brutalité sexuelle sur le compte d'un excès de virilité, où l'on trouvait normal qu'un homme de pouvoir puisse traiter impunément les femmes comme des objets sexuels. La France aura perdu son premier choix au repêchage pour la course à la présidence, mais elle gagnera  en moralité. »
Or il semble que ma prédiction s’est avérée vraie.
En effet, dans la revue « Time Magazine » du 6 juin, on peut lire un article de Judith Warner intitulé « Cherchez les Femmes – Has the women’s movement in France finally caught up ? » L’auteur y parle d’une effusion de « Rage » de la part des femmes françaises, qui apparaît sous la forme d’une pétition déjà signée par plus de 25,000 femmes de groupes féministes. On peut lire la chronique de Madame Warner à l’adresse électronique suivante :
Ce ne sont pas les frasques de DSK qui en sont la cause, mais plutôt les commentaires d’une certaine élite politique et intellectuelle française mâle face aux allégations auxquelles fait face DSK. Les femmes dénoncent non seulement la violence faite aux femmes, mais entre autre les « vagues quotidiennes de commentaires misogynes provenant de ces personnages publics ». En voici certains : mentionné par un très bon ami de DSK: « L’affaire du Sofitel : was just a matter of just lifting a maid’s skirt ». Jack Lang, un ancien ministre de la culture et celui qui a entre autre écrit une magnifique biographie de Nelson Mandela dont je vous ai déjà parlé, a dit : « ce n’est pas comme si quelqu’un était mort ». Même Ségolène Royal aurait d’abord exprimé sa sympathie envers DSK, sans dire un mot de la femme de chambre.
Madame Warner écrit que les médias français, traditionnellement peu enclin à accorder leur sympathie aux causes féministes, ont traité des réactions de ces femmes avec respect. Il semblerait que cet évènement de New York ait fait apparaître, chez les femmes plus jeunes, la réalisation que malgré les promesses faites, l’égalité homme-femme n’existe pas en France : « les limites entre libertinage et harassement n’ont pas encore été tracées »
Dans la Presse du 4 juin, le journaliste Marc Thibodeau rapporte les faits suivants : on peut lire l’article complet à l’adresse électronique suivante :
L’auteur rapporte les remarques très grossières faites à l’endroit de femmes députés  de l’Assemblée Nationale de France. Maintenant, ces députés n’ont plus peur d’être citées sans être ridiculisées, ce qui est déjà un plus. Une député pense que l'arrestation de l'ex-favori socialiste a délié les langues et introduit «la peur» chez les hommes qui ont des comportements de domination sexuelle sur les femmes. Encore un plus. Mais il y a encore beaucoup à faire. En effet, Monsieur Thibodeau rapporte que cette semaine, les publicités suivantes étaient encore affichées :
La publicité d'une grande chaîne de vêtements montrant ces jours-ci une femme tout sourire sous le slogan «Tout est permis» ! Puis, une affiche de cinéma montrant le postérieur d'une femme avec deux visages d'hommes à proximité sous le titre «Bon à tirer» !
Finalement, Odile Tremblay danssa chronique du Devoir du 5 juin, « se paye la traite ». (Aucun lien Internet car il faut être abonné au Devoir pour lire cette chronique en ligne). Elle est chroniqueuse artistique et, comme elle le dit, elle « s’est tapé »des biographies de DSK qui, soit dit en passant, ont été retirées du marché( !!). Elle parle de l’une de ces biographies : « Cette bio fascine pour avoir été rédigée avant le chaos. Je l’ai parcouru comme un livre antérieur à une guerre qui ne préfigure pas sa défaite, nourri de naïveté, de désinformation, de complaisance, de monstruosités candidement énoncées qui, lues après coup, revêtent une dimension choquante et absurde ».
Elle décrit les évènements de trois façons, soulignant au passage « le réveil des féministes. « engeance »raillée et moribonde dans un pays où le droit de cuissage, hérité du régime féodal, chez les bonzes de la politique et du cinéma est banalité d’usage ».
Puis finalement, elle nous rapporte « que M. Jean François Kahn, ami du couple, a quitté le magazine « Marianne », qu’il a fondé, après avoir évoqué dans l’affaire DSK un « troussage de domestique »( !!!!), expression puant les odeurs privilèges de caste et de suprématie virile. »
Ouf !!, il s’en passe des choses dans la vieille France !! On peut actuellement visualiser un dôme de poussière au dessus de la France, à l’instar de celles qu’a engendré  le volcan l'Eyjafjöll en Islande, causé par une éruption de rage féministe qui entraîne le « dépoussiérage » de certains mœurs, considérés comme totalement inappropriés ici. Espérons que le débat continuera. Mais on ne pourra constater les véritables effets de ce « dépoussiérage » que lorsqu’un Français puissant comme l’a été DSK, sera arrêté et jugé en France, à cause d’allégations de harcèlement et de violence sexuelle. Ceci voudra dire que le procureur, le ministre de la justice et tous les hauts gradés de la hiérarchie juridique en France ne fermeront plus les yeux et ne tenteront plus de protéger les puissants, comme il eut été le cas, si la femme de chambre qui a porté plainte avait travaillé dans un Sofitel français !

dimanche 5 juin 2011

RETOUR SUR LA SPIRITUALITÉ - LA MÉDECINE ANTHROPOSOPHIQUE

C’est en lisant un article de Michel Dongois, dans la revue « L’Actualité Médicale » que j’ai appris l’existence de la médecine anthroposophique. C’est une nouveauté pour moi, il semblerait qu’elle existe depuis très longtemps en Allemagne,

En résumé, voici, tiré de l'article de M. Dongois, ce qu'est cette médecine:
"Médecine d’orientation spirituelle, elle se pose en continuité de la médecine classique. Elle « élargit » la vision conventionnelle de l’être humain décrit en seuls termes physiques et biochimiques pour le traiter dans sa réalité triple : physique, psychique et spirituelle. Un préalable, selon elle, pour « humaniser » véritablement les soins.
La médecine anthroposophique est vaste. Elle comprend, outre la mission centrale du médecin en clinique ou en cabinet, les champs suivants :  soins infirmiers, thérapies artistiques, physiothérapie, eurythmie curative, pédagogie curative et sociothérapie (activités de groupe organisées pour les malades dans un but thérapeutique : occupation, réadaptation au travail, amélioration ou restauration des communications interpersonnelles). Et dans certains endroits, les soins à domicile. Elle a des pointes d’excellence en psychiatrie et en oncologie notamment, et gère sa propre production de médicaments.
Elle est présente à des degrés divers dans une soixantaine de pays. Elle compte trois hôpitaux en Allemagne, dont un universitaire, quelques dizaines de cliniques et autres établissements."
Voici le lien Internet qui vous permettra d’en savoir plus sur cette médecine:
Pour pouvoir lire l'article, vous aurez probablement à vous inscrire au site de "Profession Santé".

En entrevue, le Dr Wolfgang Ribmann, directeur médical de la clinique Friedrich-Husemann-Klinik, en définit l’orientation: 
"La médecine anthroposophique s’adresse aux forces d’autoguérison et aux compétences propres du patient – en d’autres termes, aux forces du Moi, qui reste sain, même dans la maladie.Il ne peut tomber malade, mais peut être empêché de s’épanouir sainement par des irrégularités physiques et psychiques"

Ce sont des concepts avec lesquels j'ai beaucoup de difficultés car, on m'a formé à ne croire qu'à ce qui a été prouvé par l'évidence basé sur les preuves. C'est pourquoi j'ai de la difficulté avec l'homéopathie et toutes les formes de médecine douce non traditionnelle, à part l'acuponcture. Je crois énormément à l’effet placébo et je suis convaincu que le succès de toutes ces formes de médecine « non traditionnelles » repose sur cet effet.

Ce qui m’intéresse dans cette forme de médecine, c’est qu’elle est d’orientation spirituelle. Quelle est la force de l’âme dans le processus de guérison ? Le gouvernement allemand doit y croire car, selon l’auteur de l’article, bien que la médecine anthroposophique se pratique en clinique privée, « l’immense majorité des malades (92%) est couverte par l’assurance publique de base »
Je ne m’étendrai pas plus sur le sujet, mais je voulais faire le lien entre les principes de base de cette « nouvelle médecine » et ma chronique du 15 mai dernier. Elle était intitulée : « LA MORT- PARTIE 2 - RÔLE DE LA SPIRITUALITÉ- exemple des moines de Tibhirine dans le film « Des hommes et des Dieux ».
À la fin de cette chronique, j’écrivais :
« La partie scientifique et rationnelle de notre pensée va se heurter à l’approche spirituelle qui mène inévitablement à un concept inacceptable scientifiquement : la présence de Dieu. »

Or, la médecine anthroposophique est basée entre autre sur la spiritualité. Voilà ce qu’a répondu le Dr Ribmann, lors de l’entrevue qu’a faite M. Dongois avec lui, aux deux questions suivantes :

« La médecine conventionnelle aurait-elle décidé de limiter d’emblée son champ d’action ?Oui, sinon pourquoi réduire l’expertise médicale aux symptômes ? Nous, médecins, devons nous interroger sur les limites de la science actuelle. Quant aux chiffres, sont-ils objectifs en soi, démontrant une vérité incontestable et immuable, ou ne sont-ils pas plutôt une mesure construite, formatée sur la base de conventions et donc, à ce titre, manipulables, discutables, imparfaits ? Et s’ils n’étaient que de simples indicateurs, à traiter comme tels ?
L’importance accordée, dans les milieux universitaires, aux données probantes, certes nécessaires, m’apparaît souvent comme un dogme, la science étant en quelque sorte la religion la plus récente. C’est peut-être aussi un rempart facile contre une certaine peur de la rencontre humaine en profondeur. J’irais même jusqu’à dire une peur de la spiritualité.(j’ai souligné)

Pourquoi la spiritualité ferait-elle peur ?Bien du monde se braque à la seule idée que l’être humain puisse être plus que son corps physique. La science académique contribue à imposer des limites arbitraires à la connaissance de l’être humain et du monde. La chape de plomb imposée à la médecine par les données probantes, à l’exclusion du reste, c’est un peu l’énigme de notre temps dans notre profession, surtout en psychiatrie.
Je souhaite que la jeune génération de médecins apprenne à dépasser, lorsqu’il le faut, ces barrières admises par pure convention. Ce qui compte, au bout du compte, c’est le mieux-être du patient. »

Alors voilà, le débat est lancé. La spiritualité fait peur car elle heurte de plein fouet la science. Si ce n’est pas prouvé, c’a ne peut exister. La formation médicale ne prépare pas du tout les futurs médecins à de tels concepts. Il est en effet beaucoup plus rassurant de se fier aux données probantes que de croire que le patient a un impact considérable sur sa propre destinée et survie, entre autre en utilisant la spiritualité. J’ai bien hâte de lire les commentaires des médecins sur cette chronique.

jeudi 2 juin 2011

LA RETRAITE – EXPÉRIENCE D’UN AN

Certains l’attendent avec impatience, leur travail n'ayant été qu'une façon de gagner leur vie, ayant été insatisfait professionnellement durant toute ou une bonne partie de leur carrière. D'autres sont aussi impatients de prendre leur retraite car ils ont regardé leur guitare, leur piano, leur ciseau à bois, leur carte du monde, etc...pendant de longues années, attendant le moment de consacrer plus de temps à leur passion.
Beaucoup d'autres la craignent, même ceux qui n'ont pas été heureux au travail. Ils ont certes hâte de faire ce qu'ils veulent, mais, s'ils n'ont pas de véritable passion ou de projet en réserve, ils se demandent eux-mêmes ce qu’ils veulent véritablement faire. Comment occuper une vie par d'autre chose, ayant passé entre 40 et 50 heures de travail par semaine, depuis presque 38 ans et consacré le reste du temps aux enfants et à la conjointe?
Certains ont le temps de la préparer et d’autres se retrouvent dans une situation où la décision de la prendre doit être rapide. Mais peut-on véritablement se préparer à la retraite ?
Je  n’ai pas pris de cours de « préparation à la retraite » et  je n’ai pas lu une ligne sur le sujet. Mes amis me disent que le contenu principal des cours de  « préparation à la retraite » porte essentiellement sur les préparatifs financiers et juridiques de la retraite. Alors la question fondamentale est : « Mais avec quoi vais-je remplacer toutes ces heures où je n’avais pas à me poser la question : mais que vais-je faire avec mon temps aujourd’hui ? » On se posait souvent la question  « mais que vais-je faire aujourd’hui?» La réponse venait rapidement après avoir jonglé entre ses responsabilités professionnelles, familiales et personnelles. Il suffisait de partager les heures de la journée entre ces trois catégories.
J’ai pris la décision de cesser de travailler le 16 mars 2010. J’ai pris cette décision de façon impulsive et pour des raisons personnelles. Le 15 je travaillais et je n’escomptais pas cesser de travailler avant décembre 2011. Le 16, je décidais de mettre fin au contrat qui me liait avec le client pour lequel je travaillais à l’époque. Quelques jours plus tard, je décidais de ne pas répondre à des nouveaux appels d’offre de services. J’ai décidé d’utiliser cette période pour "tester la température de l’eau" de l'océan inconnu qu'on nomme la retraite.
Les 6 premiers mois, ce sont des vacances prolongées. On vit un genre d’exaltation de ne plus avoir de préoccupations de nature professionnelle durant une période aussi longue. Si on décide de ne rien faire, on ne se sent pas coupable et on jouit pleinement de notre capacité à pouvoir le faire, cette occasion ne s’étant jamais présentée au cours des 38 dernières années. En effet, même en vacances, on se programme des activités car les vacances ne peuvent évidemment pas être utilisées à ne rien faire !!
Mais l’automne arrive et tout le monde retourne au travail. Il fait moins beau, souvent il pleut. On se lève, on déjeune, et on prend 1 ½ heures pour lire son journal. Pas d’activités spéciales prévues pour la journée. On tourne en rond dans la maison. On prend une marche quand même, on fait quelques courses, on répond à ses courriels, on va s’entraîner ou faire une autre activité sportive quelconque, etc…On se sent quand même heureux, mais graduellement s’installe une sorte de « blues » de la retraite où on devient ambivalent face à tout ce temps libre. S’installe aussi le « manque » de valorisation qu’apportait le réseau professionnel. On n'est plus d’autre personne que soi-même, et on est seul, même si on est en couple, car l'autre fait ses affaires.
C’est là que commence à se vivre véritablement la retraite. Comment diminuer cette quasi angoisse du temps à remplir avec des activités qui vont nous apporter une valorisation personnelle? Il ne faut plus compter sur les autres pour nous dire qu'on est bon et qu'on travaille bien. C’est pourquoi plusieurs  retraités se jettent dès le début de leur retraite dans des activités organisées, font du bénévolat, suivent des cours, etc… Ils comblent cette « angoisse » du temps à occuper, et cette relative solitude, par des activités qu’ils croient, vont les intéresser.
Je crois que cette stratégie de toujours meubler le temps, sans aller au bout de l’angoisse que cause l’absence de projet valorisant pour l’occuper, empêche les personnes de véritablement faire ce qui les valoriserait le plus. C'est au bout de cette angoisse qu'émergent les idées de nouveaux projets qui meubleront notre temps de façon à ce que nous continuions de croître personnellement. Si on comble systématiquement  les périodes de temps inoccupées par des projets, pour diminuer l’angoisse que procure la « non activité », on manque de bonnes occasions de laisser émerger ce qu'on voudrait véritablement faire avec le reste de notre vie.
Ma conjointe m’a dit un jour, elle qui est à la retraite depuis maintenant 10 ans : « À chaque jour, il faut faire quelque chose pour son cœur, quelque chose pour son corps, et quelque chose pour son âme », « âme » étant interprété comme quelque chose de spirituel ou d'intellectuel.
C’est donc en laissant s’installer progressivement cette angoisse durant quelques mois que me sont apparues les projets d’écriture et la redécouverte de la lecture des biographies des grands personnages et des grands auteurs.  Dans le fond, c'est en quelque sorte en continuité avec mon travail professionnel antérieur!  Réfléchir, c’était l’activité que j’aimais le plus et ce qui me valorisait le plus, lorsque j'en avais le temps! Réfléchir, pour bien comprendre et analyser les nombreux enjeux auxquels j'avais à faire face, et l'écriture, pour bien décrire et faire comprendre ces enjeux aux personnes concernées.
Mes nouveaux sujets de réflexion n'ont plus pour origine des enjeux de nature professionnelle, et mon écriture est maintenant la résultante de ces réflexions. Je trouve particulièrement intéressant de travailler à chercher le bon mot pour bien décrire le sujet, le verbe ou le complément!!. J'ai encore beaucoup à faire, je le sais!! J'aurais dû mieux écouter mes professeurs et mieux travailler lors de mes années au collège classique! Et de vous savoir là, à lire et quelquefois à commenter mes opinion et réflexions, c'est ma valorisation.
L'angoisse a baissé, mais son traitement est une bataille quotidienne, lorsqu'il n'y a pas de projets qui déterminent les activités de la journée (comme un voyage par exemple). Je persiste à croire que la voie que je vous ai décrite comblera le temps du retraité qui ne peut compter sur une passion déjà existante, de façon plus valorisante. Je vous tiendrai au courant de la suite des choses….ma retraite étant quand même relativement récente!.