mercredi 22 juin 2011

LOUIS FERDINAND CÉLINE – « VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT » - livre exceptionnel – première partie

Vous vous rappelez l’affaire « Bertrand Cantat » au Québec. Lors de cette saga, on a pu assister à un dérapage en règle de certains artistes du genre « bon chic, bon genre ». M. Cantat avait été envisagé pour jouer dans une pièce de Wadji Mouawad au TNM. L’annonce de sa venue par la directrice artistique, Lorraine Pintal, avait créé tout un boucan ! La très grande majorité des gens ne reconnaissait pas à l’ancien chanteur de « Noir Désir » le droit de venir jouer dans cette pièce au Québec. On  argumentait avec raison que la nature du crime qu’il avait commis était tel qu’on ne pouvait lui donner le privilège de continuer sa carrière comme si rien ne s’était passé.  Ses défenseurs, eux, argumentaient qu’on devait lui pardonner, car il avait purgé sa peine. On utilisait entre autre l’argument qui est à la source de cette chronique : « Ce n’est pas parce que Louis Ferdinand Céline était antisémite qu’on ne se permettra pas de lire son chef d’œuvre : Voyage au bout de la nuit ».
Alors c’a ma tenté d’aller visiter cet auteur et de lire son roman.
Pivot, dans le « Livre des meilleurs livres », le classe dans les 10 meilleurs romans français de tous les temps. Il fait aussi partie des « Les 1001 livres qu’il faut avoir lu dans sa vie ».
Alors j’y suis allé. Je me suis jeté dans le roman du Dr Céline comme je me jette dans l’Atlantique lors de mes vacances dans le Maine : appréhensif, car je ne connais jamais la température de l’eau et les courants que je rencontrerai.
Je suis sorti de ce livre comme je sors de l’eau du Maine : revigoré, énergique, content, mais perturbé par l’atmosphère difficile dans laquelle l’action se déroule.
C’est tout un roman. Il choque. On le dit anarchique et je crois qu’à l’époque, lors de la parution du livre en 1932, c’était vrai car il bousculait les idées d’une France pétrifiée dans une hiérarchie sociale inacceptable, où les pauvres servent de chair à canon et d’ouvriers exploités.
« Ce récit à la première personne retrace les expériences du jeune narrateur, Bardamu, depuis le début de la première guerre mondiale lorsqu’il s’engage à 20 ans, jusqu’aux années 30 où il devient médecin diplômé. »( Les 1001 livres qu’il faut avoir lu dans sa vie, page 352). Entre les deux, il voyage en Afrique (Je ne peux commenter  que Céline était antisémite, car dans ce roman, il n’y a pas de Juifs ni ne commente sur ce peuple, mais lors des péripéties de Bardamu en Afrique, ses commentaires sur les noirs sont tellement racistes, que je me demande si ce n’est pas par sarcasme, mais je ne crois pas. Faut le lire pour le croire)
Voici quelques perles, tirées du roman
Sur l’Âme : « L’Âme, c’est la vanité et le plaisir du corps tant qu’Il est bien portant, mais c’est aussi l’envie d’en sortir du corps dès qu’il est malade ou que les choses tournent mal »
Sur l’état du soldat français durant la guerre : « Mais nous étions loin de là, titubants dans un idéal d’absurdités, gardés par des poncifs belliqueux et insanes, rats enfumés déjà, nous tentions, en folie, de sortir du bateau de feu, mais n’avions aucun plan d’ensemble, aucune confiance les uns dans les autres. Ahuris par la guerre, nous étions devenus fous dans un autre genre : la peur. L’envers et l’endroit de la guerre. »
Sur la peur de mourir à la guerre : dans un dialogue avec sa maîtresse, appelée Lola, Bardamu déclare : « Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’Il y a dedans…Je ne la déplore pas, moi…Je ne me résigne pas, moi…Je ne pleurniche pas dessus, moi..Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir »…
Intéressant qu’il ne dise pas : « Je ne veux PAS mourir » mais, « je ne veux PLUS mourir » Bardamu est déjà mort, après tout ce qu’Il a vécu dans les tranchées de cette boucherie que fut la première guerre mondiale. Il tente d’ailleurs de se faire déclarer fou. (Tout ceci me rappelle la très grande prévalence du syndrome post traumatique actuellement, nouvelle appellation pour la peur démesurée de la mort que vivent plusieurs soldats lors des guerres du XXIième siècle.)
Lola réplique : « Mais c’est impossible de refuser la guerre, Ferdinand ! Il n’y a que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur Patrie est en danger »
Voici ce qu’ajoute Ferdinand (Bardamu) : « Alors vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous et les lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom, par exemple,  Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent ans ?...Avez-vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms ?... Non, n’est-ce pas ?...Vous n’avez jamais cherché ?. Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnu que le dernier atome de ce presse-papiers devant nous, que votre crotte du matin… Voyez donc bien qu’ils sont morts pour rien, Lola ! ………La preuve est faite ! Il n’y a que la vie qui compte. Dans dix mille ans d’ici, je vous fais le pari que cette guerre, si remarquable qu’elle nous paraisse à présent, sera complètement oubliée…À peine si une douzaine d’érudits se chamailleront encore par-ci, par-là, à son occasion et à propos des principales hécatombes dont elle fut illustrée… »
Lors de la deuxième partie de cette chronique sur Céline, je vous présenterai d’autres perles….parmi tant d’autres.

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