LE SOLEIL DES SCORTA de Laurent Gaudé - prix Goncourt 2004
Au début du mois d’avril, je vous présentais
un auteur que j’ai découvert par hasard, en « fouinant » à la
bibliothèque municipale. Je vous parlais de Laurent Gaudé et de l’impression
très positive que m’a fait laissée la lecture de son livre : « Les
Portes de l’Enfer ». Je vous mentionnais que je m’empresserais de lire le
volume qui lui a valu le prix Goncourt en 2004 : « Le Soleil des Scorta ».
Eh bien je l’ai lu et quel autre plaisir de lecture j’ai ressenti en prenant connaissance
d’un tel chef d’œuvre de précision chirurgicale dans l’utilisation des mots. Je
vous lis les premières phrases :
« La
chaleur du soleil semblait fendre la terre. Pas un souffle de vent ne faisait
frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des collines s’était
évanoui. La pierre gémissait de chaleur. Le mois d’août pesait sur le massif du
Gargano avec l’assurance d’un seigneur. Il était impossible de croire qu’en ces
terres, un jour, il avait pu pleuvoir….. »
On a chaud rien qu’à lire des quelques
lignes ; on sue quasiment !! On sait que le livre va se dérouler dans
un territoire hostile. Les personnages ne nous sont pas encore présentés et on
sait d’avance qu’ils vont avoir chaud et qu’ils vont avoir de la difficulté à
vivre dans un tel climat. Quelle belle écriture.
Voici un autre échantillon, vers le milieu du
livre:
« Depuis
un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne
dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n’y a rien à faire. Nous l’aimons
trop cette terre. Elle n’offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais
lorsque le soleil la chauffe, aucun d’entre nous ne peut la quitter. Nous
sommes nés du soleil, Élia. Sa chaleur, nous l’avons en nous. D’aussi loin que
nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons. Et
nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleines dents. Il est là, dans
les fruits que nous mangeons. Les pêches. Les olives. Les oranges. C’est son
parfum. Avec l’huile que nous buvons, il coule dans nos gorges. Il est en nous.
Nous sommes les mangeurs du soleil…. »
On voit bien que même si le livre est
l’histoire de quatre générations de Scorta dans les Pouilles, le personnage
principal, celui qui va influencer tous les autres, c’est le Soleil. Il est
toujours présent dans le livre. C’est à se demander s’il fait mieux vivre en
hiver que dans un tel climat !!. À remarquer aussi la ponctuation : « Il est là, dans les fruits que nous
mangeons. Les pêches. Les olives. Les oranges. C’est son parfum. » Au
lieu de la virgule entre chaque fruit, comme presque tout le monde aurait fait,
il met un point, pour nous permettre de faire un temps d’arrêt et de presque gouter aux fruits qu’on imagine
juteux.
Roman agréable, bien structuré, concis, qui
fait travailler l’imagination. Très beau prix Goncourt. On sait maintenant
pourquoi. Dommage qu’ils ne soient pas tous comme lui !
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