Je viens de lire les commentaires du Dr Marcel Boisvert, médecin québécois très impliqué en soins gériatriques et en soins de fin de vie, qui a longuement réfléchi à la question de l'euthanasie, dans la revue "Actualités médicales", revue d'actualités pour les médecins francophones du Canada.. Comme vous le savez, le Québec a tenu une Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Cette commission a terminé sa tournée et elle n’a pas encore produit son rapport. Fondamentalement deux philosophies trônent lorsqu’on parle d’euthanasie. Il y a ceux qui favorisent l’euthanasie, en faisant confiance au jugement de la personne mourante ou souffrante et il y a ceux qui disent que ces personnes n’ont pas bien été renseignées sur toutes les alternatives autres que l’euthanasie pour faire face à leur souffrance, qu’elle soit physique ou morale.
Plusieurs médecins se sont prononcés sur la question, autant lors de la tournée de la commission que dans la revue « Actualités médicales ». C'est dans l'édition du 21 septembre, que le Dr Boisvert revient sur la question, et nous soumet une réflexion que je désire partager avec vous. Elle me semble très pertinente.
(Après avoir lu les commentaires des médecins dans la revue « Actualités médicales »
« Il semble donc que les soignants soient peu capables de recevoir et d’intérioriser une demande d’aide à mourir. C’est donner raison au Dr Eric Cassell, le « père » de la notion de souffrance(1), quand il rappelle ce qui devrait être un axiome : « Seuls les malades savent combien atroce est leur souffrance »… et « lorsque leur demande (d’une aide à mourir) est conforme aux balises, elle devrait être exaucée »(2).
C’est également s’éveiller à l’insondable profondeur de l’humain, celle qui fit écrire à M. Davy : « Le vivant et le pré-mort ne peuvent communiquer; aucune frontière ne les relie. L’un et l’autre n’habitent pas le même temps(3). »
Il faut donc s’astreindre à accepter le mystère et à accompagner dans l’humilité, à la manière du psychiatre Yves Quenneville, que trois décennies de consultants en soins palliatifs ont fait dire : « Accompagner, c’est accepter de suivre une personne dans la direction qu’elle veut prendre, là où elle veut aller, quand elle veut y aller et à sa manière(4). » Toute autre stratégie s’adonne au risque du mépris, comme en a témoigné Hubert Doucet : « La personne mourante est maintenant privée de sa mort, alors qu’elle a été responsable de toute sa vie(5). »
Dr Marcel Boisvert
1. Cassell EJ. The Nature of Suffering and the Goals of Medicine, New England J Med 1982;
306: 639-45.
2. Ibid. When Suffering Patients Seek Death in Physician-Assisted Death, J. Hopkins U. Press,
2004, p.75.
3. Davy MM. Un itinéraire. Desclées, Paris, 1999.
4. Quenneville Y. Entrevue : Vivre avec un proche gravement malade, Bayard, Internet.
5. Doucet H. La quête d’une bonne mort. Info-Kara, déc. 1993, p. 61-65.
* Publié dans L'actualité médicale du 17 août, en page 49.
La direction dans laquelle penche le Dr Boisvert est assez claire. Chaque cas est un cas d’espèces et il doit être abordé avec toute la largeur d’esprit dont nous sommes capables. La grande variable est celle qui est mentionnée dans la première ligne du commentaire du Dr Boisvert : « Il semble donc que les soignants soient peu capables de recevoir et d’intérioriser une demande d’aide à mourir. »
Cette demande est en quelque sorte le constat de leur incapacité à guérir, ce pour quoi ils ont été formés. La mort est un échec ; elle n’est pas acceptable pour plusieurs médecins