samedi 18 octobre 2014

LE BONHEUR

LE BONHEUR

« Papa, est-ce que tu as un adaptateur pour tablette électronique dans ton auto ? »

Mon fils est assis à ma droite.
Lui et moi sommes dans un « road trip », mais pas le « road trip » habituel, voyage habituellement sans destination prédéterminée; nous sommes dans un « road trip » père-fils de golf, quelque part entre Tadoussac et Baie-Comeau, notre destination.

« Oui, il y en a un dans la boîte à gants. »
Il branche alors sa tablette sur l’adaptateur et me demande : « Quelle sorte de musique veux-tu entendre ? »
« Du Rock, mon gars, du bon Rock ». Il fait beau, les paysages sont jolis, sans être superbes, et le projet a bien commencé, avec quatre jours de golf à La Malbaie.
Quelque part, dans la stratosphère de l’internet, il va chercher quelques pièces « de mon temps », comme il dit. J’ai droit à du Sting (« Fields of gold » et « If I ever loose my faith in you, ma préférée), U2 (« With or without you »), Bruce Springsteen (« Secret Garden »), Etta James (« What’s going on »), Marvin Gaye (« What’s going on »), Prince (« Lolita »), Stevie Wonder (« You are the sunshine of my life »). Je lui fait même découvrir quelques pièces en français, en particulier Dany Bédard (Y’a du monde) et Inna Modja ( !!). On joue aussi quelques pièces de Daniel Bélanger, Luce Dufault, Térez Montcalm. On chante ensemble, on sourit beaucoup.
« Maususse qu’il est bon ton système de son, papa !! »
Il ne me reste qu’une oreille, alors j’y ai toujours fait attention. Je n’ai jamais poussé mon système de son à son maximum, mais l’épouse de son frère cadet, à qui j’avais prêté l’auto l’été dernier, m’avait dit le matin suivant leur petite balade : « Ton système de son, Claude, y é malade !! ». J’avais répondu : « Ah oui ?, tant mieux. » et c’était resté comme ça.
Eh bien oui, mon système de son : « y é bon en malade !! »
Je sens les vibrations dans les portes et sur le devant du tableau de bord. La qualité du son est incroyable. On ouvre le toit ouvrant, je tiens le volant avec mes genoux et on passe tous les deux nos bras au travers du toit en faisant une vague. Si je me rappelle bien, c’était « Solid as a rock » de Ashford and Simpson, une pièce musicale qui tournait tout le temps dans notre auto à l’époque.
On se regarde. Il me sourit. Je sens comme un courant électrique passer entre nous deux. La complicité est à son maximum. Il est dans son élément et il peut me communiquer ses émotions par le biais de ce morceau de musique qu’il sait apprécier et qu’il sait que j’apprécie qu’il me l’ait choisi. Je le sens calme, ça me rassure. Il est bien.
C’est ça le bonheur ; il faut le prendre lorsqu’il passe. Ces moments-là, qui furent nombreux lors de notre « road trip », sont une source d’énergie dans laquelle on puise lorsque d’autres moments plus difficiles surviennent.

On ne peut les créer à demande; on ne peut que créer le moment, l’occasion et espérer que les deux personnes trouveront à ce moment les mots, faciliteront les regards, pour préparer le passage des émotions qu’on associera alors au bonheur.