« MESSIEURS, SOMMES-NOUS LE SIÈGE D’UN DÉTERMINISME IMPLACABLE? »
Samedi dernier le 13 septembre, j’ai assisté aux funérailles d’un
collègue de classe qui vient de décéder d’un gliome cérébral (type de tumeur
cérébrale non opérable) à 65 ans, soit le même âge que moi.
Pourquoi est-ce moi qui vais offrir mes condoléances à son épouse et
non le contraire ? Est-ce que la vie de mon confrère devait se terminer le
2 septembre 2014 ? Était-ce son destin ?
Mon premier professeur de philosophie nous était arrivé en classe en
1966 avec la phrase suivante : « Messieurs !
Sommes-nous le siège d’un déterminisme implacable ? » Vous pouvez
déjà imaginer les rires et les quolibets dont monsieur Rafie, pour ne pas le
nommer, a été victime ! À l’âge de 17 ans, les préoccupations des jeunes,
du moins les miennes à cette époque, n’étaient pas tournées vers la recherche
des réponses aux questions philosophiques. Mais maintenant, à mon âge, je
réalise que cette question et LA question fondamentale de la vie.
J’avais toujours cru, avant d’entreprendre cette réflexion, que la
discussion autour de ce concept philosophique devait tourner plus autour de la
question suivante : « Est-ce
que notre destin est déjà programmé d’avance, ou avons-nous une influence sur
ce que nous deviendrons ? ».
Je croyais que la théorie du déterminisme était plus en lien avec le concept
de « destin ». Larousse définit le mot « déterminisme » de
la façon suivante : « Théorie
philosophique selon laquelle les phénomènes naturels et les faits humains sont
causés par leurs antécédents ». Nos faits et gestes ne sont donc pas tous
programmés d’avance, mais ils sont en majorité la conséquence des choix que
nous avons faits et que nous anticipons de faire. Notre vie répond donc, pour
une certaine partie, à cette théorie. Le « destin », quant–à-lui, c’est-à-dire,
« une sorte de puissance mystérieuse
qui définit et fixe à l’avance le cours des évènements » (Larousse), ne m’apparaît
pas comme très rationnel. On quitte ici la science pour entrer dans le domaine
de la spiritualité où cette « puissance mystérieuse », que beaucoup
appelle Dieu, déterminerait à l’avance ce que nous sommes et ce que nous
deviendrons. Ici, le français ne fait pas de différence entre
« destin » et « fatalité » ; ces deux mots font
référence à une « force surnaturelle ».
Mais se pourrait-il que notre vie soit en fait un mélange de
déterminisme et de destin ? Les réflexions que nous faisons et les
actions que nous posons quotidiennement ont
toutes des conséquences, qui entraînent nos réflexions et nos actions
futures. Mais en même temps, le destin peut définir le cours de certains
évènements de notre vie.
On pourrait argumenter qu’aujourd’hui, si je prends mon auto pour me
rendre quelque part, j’agis selon la théorie philosophique déterministe. Les
réflexions, faits et gestes que j’ai posés auparavant et même immédiatement
avant de décider de partir en automobile ont entraîné l’action de prendre mon
auto et de me diriger vers ma destination. Mais comment expliquer que sur
l’autoroute 40 par exemple, un chauffard saoul décide de se suicider et de me
foncer dessus, causant ainsi ma mort. Est-ce le destin qui a fait que je sois à
cet endroit à ce moment. Je n’ai certes pas eu d’influence sur la vie de cet
individu que je ne connaissais pas, mais j’étais là quand même. C’est le
déterminisme qui a entraîné le fait que je sois en auto sur cette route à ce
moment là précisément, mais c’est le destin qui a fait en sorte que je ne sois
pas ailleurs au moment où l’individu a décidé de poser son geste fatidique. Cet
événement, que j’associe ici au destin, répondrait parfaitement, selon mon
garçon, à la théorie de la mécanique quantique qui dit que tous les objets de
l'univers se comportent de façon indéterminée, bien que probabiliste.
C'est-à-dire que même les objets inertes conservent la possibilité d'agir
spontanément, dans les limites des lois de la nature. Selon cette théorie, les
humains subiraient des évènements indéterminés et probabilistes non planifiés.
Le fait de se trouver à la mauvaise place au mauvais moment pourrait donc être
expliqué par la théorie de la mécanique quantique. Je ne peux contester cet
argument car je ne connais pas ni ne peux expliquer les principes de la
mécanique quantique. Ces principes, en fait, donneraient une explication à la
signification du mot « destin », à l’exception de la « force
surnaturelle »
Ainsi, mon collègue décédé a vécu avec un certain nombre de déterminants qui ont fait en
sorte que se développe cette tumeur dans sa tête ; mais parmi ces
déterminants, il y en a sûrement un bon nombre d’entre eux sur lesquels il
n’avait pas de contrôle. Sa vie, comme la mienne, est donc la conséquence d’une série de
décisions, certaines éclairées, d’autres non, mais aussi d’évènements
probabilistes, que certains attribuent à la mécanique quantique, mais que moi,
je nomme « destin ».
Faudrait maintenant discuter des mots : « Force surnaturelle »,
qui fait partie de la définition du mot destin, maintenant que j’ai pu, sans en
comprendre les mécanismes, expliquer la possibilité d’évènements probabilistes
dans la vie des gens.
Comment aurions-nous pu expliquer la guérison de mon collègue, porteur
d’une tumeur mortelle à 100% si celui-ci, par la force de la prière par
exemple, avait été guéri ?
C’est une esquisse de réflexion. À suivre.