mercredi 28 septembre 2011

Réflexions sur l'enthanasie

Je viens de lire les commentaires du Dr Marcel Boisvert, médecin québécois très impliqué en soins gériatriques et en soins de fin de vie, qui a longuement réfléchi à la question de l'euthanasie, dans la revue "Actualités médicales", revue d'actualités pour les médecins francophones du Canada.. Comme vous le savez, le Québec a tenu une Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Cette commission a terminé sa tournée et elle n’a pas encore produit son rapport. Fondamentalement deux philosophies trônent lorsqu’on parle d’euthanasie. Il y a ceux qui favorisent l’euthanasie, en faisant confiance au jugement de la personne mourante ou souffrante et il y a ceux qui disent que ces personnes n’ont pas bien été renseignées sur toutes les alternatives autres que l’euthanasie pour faire face à leur souffrance, qu’elle soit physique ou morale.

Plusieurs médecins se sont prononcés sur la question, autant lors de la tournée de la commission que dans la revue « Actualités médicales ». C'est dans l'édition du 21 septembre, que le Dr Boisvert revient sur la question, et nous soumet une réflexion que je désire partager avec vous. Elle me semble très pertinente.

(Après avoir lu les commentaires des médecins dans la revue « Actualités médicales »
« Il semble donc que les soignants soient peu capables de recevoir et d’intérioriser une demande d’aide à mourir. C’est donner raison au Dr Eric Cassell, le « père » de la notion de souffrance(1), quand il rappelle ce qui devrait être un axiome : « Seuls les malades savent combien atroce est leur souffrance »… et « lorsque leur demande (d’une aide à mourir) est conforme aux balises, elle devrait être exaucée »(2).
C’est également s’éveiller à l’insondable profondeur de l’humain, celle qui fit écrire à M. Davy : « Le vivant et le pré-mort ne peuvent communiquer; aucune frontière ne les relie. L’un et l’autre n’habitent pas le même temps(3). »
Il faut donc s’astreindre à accepter le mystère et à accompagner dans l’humilité, à la manière du psychiatre Yves Quenneville, que trois décennies de consultants en soins palliatifs ont fait dire : « Accompagner, c’est accepter de suivre une personne dans la direction qu’elle veut prendre, là où elle veut aller, quand elle veut y aller et à sa manière(4). » Toute autre stratégie s’adonne au risque du mépris, comme en a témoigné Hubert Doucet : « La personne mourante est maintenant privée de sa mort, alors qu’elle a été responsable de toute sa vie(5). »
Dr Marcel Boisvert
1. Cassell EJ. The Nature of Suffering and the Goals of Medicine, New England J Med 1982;
306: 639-45.
2. Ibid. When Suffering Patients Seek Death in Physician-Assisted Death, J. Hopkins U. Press,
2004, p.75.
3. Davy MM. Un itinéraire. Desclées, Paris, 1999.
4. Quenneville Y. Entrevue : Vivre avec un proche gravement malade, Bayard, Internet.
5. Doucet H. La quête d’une bonne mort. Info-Kara, déc. 1993, p. 61-65.
* Publié dans L'actualité médicale du 17 août, en page 49.

La direction dans laquelle penche le Dr Boisvert est assez claire. Chaque cas est un cas d’espèces et il doit être abordé avec toute la largeur d’esprit dont nous sommes capables. La grande variable est celle qui est mentionnée dans la première ligne du commentaire du Dr Boisvert : « Il semble donc que les soignants soient peu capables de recevoir et d’intérioriser une demande d’aide à mourir. »
Cette demande est en quelque sorte le constat de leur incapacité à guérir, ce pour quoi ils ont été formés. La mort est un échec ; elle n’est pas acceptable pour plusieurs médecins

jeudi 15 septembre 2011

LE TEMPS - passe t'il vite...ou lentement?

Nous ressentons tous, inévitablement, une pression du temps sur notre vie. « Mon Dieu que le temps passe vite ! » « N’as-tu pas l’impression que le temps passe plus vite ? » S’est-on déjà arrêté pour réfléchir à la notion du temps et surtout, comment l’apprivoiser, car, et c’est la seule justice, il s’égraine inévitablement au même rythme pour tout le monde. C’est la perception de ce rythme qui est différente pour tout le monde, et qui varie de jour en jour, pour le même individu.
Quant à moi, je n’y ai jamais tellement réfléchi. Je suis cependant conscient qu’il ne m’en reste plus autant qu’avant et, à l’instar de beaucoup de gens de mon âge, j’ai l’impression qu’il s’égraine plus vite.
J’ai toujours fait l’hypothèse que l’impression de cette durée du temps reposait en fait sur l’expérience qu’on faisait du temps qui nous était confié. Par exemple, si on prend un bébé qui a deux jours de vie, la deuxième journée de sa vie lui a donné 100% de plus de temps pour expérimenter la vie. Le temps doit sembler long à un bébé ! Après 5 ans, la première journée de la cinquième année correspond donc à 1/1725 du temps passé sur terre (1 jour sur 5 fois 365 jours). À 60 ans, la première journée correspond à 1/21900 du temps passé. Si on passe cette journée sans expérience particulière, elle nous semblera très courte. Par contre, si on la passe en voyage, en train de découvrir et vivre des expériences particulières, le temps nous semblera très court. On dira même : « Mon Dieu que la journée a été longue et bien remplie».  En voyage, on dit souvent : « J’ai l’impression que c’a fait 1 mois que je suis parti », quand, en fait, on a quitté une semaine. Pour d’autres, c’est le contraire. Lorsqu’ils n’ont rien à faire, le temps passe lentement et s’ils sont occupés, le temps passe vite. C’est donc très personnel.
Mais faisons fi de ma propre expérience et de mes propres explications pour lire ce que certains anthropologues et philosophes pensent du temps. Le journal « La Presse » du 2 septembre présentait une perspective philosophique, anthropologique, psychanalytique et psychiatrique du temps. Je n’ai retenu que les perspectives anthropologiques et philosophiques. Je suis heureux de constater que Pierre Trudel, professeur d’anthropologie au CEGEP du Vieux-Montréal présente des constatations similaires aux miennes. J’en ai donc déduit que j’avais une perspective anthropologique du temps. Voici ce qu’Il en dit :
«  Pourquoi le temps passe-t-il si vite? »
« Je vais vous répondre à titre d’anthropologue et d’être humain qui voit le temps passer. Je crois que cela relève d’abord de questions neurologiques, en ce qui a trait à notre perception du temps qui passe. La perception du temps change avec l’âge, la quantité de souvenirs qu’il y a dans notre cerveau. C’est pour ça que les enfants ont l’impression que le temps est si long! Et puis, il y a une question d’espérance de vie : si dans une société, on vit plus ou moins vieux, on a une notion du temps différente. Ensuite, il y a la question culturelle, qui joue aussi dans la façon dont le temps peut être perçu. J’ai beaucoup étudié les cultures autochtones, et ils ont une notion du temps tout à fait différente de la nôtre. Bien sûr, aujourd’hui, avec la vitesse, la notion du temps change aussi énormément. Je crois que cela est lié à notre économie. »
> Mais pourquoi particulièrement à la fin de l’été, avant la rentrée?
« Évidemment, plus on a de choses à faire, moins on voit le temps passer. Je m’interroge aussi sur la popularité des voyages. Mon voisin revient de Turquie, et il m’a dit qu’au bout d’une semaine, il avait l’impression d’être parti un mois. Les voyages aussi modifient notre perception du temps. Je m’interroge à savoir si la popularité des voyages ne serait pas aussi liée à tout ça. Vous savez, nous avons une culture hédoniste. Le temps, c’est important. Beaucoup plus important que dans une société moins hédoniste. »
Voilà pourquoi je vous ai mentionné avoir une perspective anthropologique du temps.

Maintenant, lorsqu’on contemple la perspective philosophique du temps, elle est aussi très intéressante…..mais plus compliquée !! Voici comment Jean Laberge, philosophe, auteur du livre « En quête de sens » et d’un blogue du même nom, nous présente le temps : Il débute d’abord avec une citation d’un auteur inconnu :
·        « La perception que nous avons du temps provient de la civilisation dans laquelle nous baignons selon laquelle tout doit être utile et mesurable. »
« Pourquoi le temps passe-t-il si vite? « 
« Pour le philosophe, la question est plutôt de savoir ce qu’est le temps, s’il existe objectivement, au-delà de notre conscience. Là-dessus, l’ABC de la réflexion commence par Saint Augustin, qui pose ainsi le problème: " Si personne ne me le demande, je le sais; si on me demande de l’expliquer, je ne le sais plus !" Voici maintenant pourquoi le temps est si énigmatique. On s’entend pour dire que le passé n’est plus; que le futur n’est pas encore. Donc, qu’en est-il du temps présent? Est-il ou non? Or, le présent, s’il était toujours présent – l’éternité, en somme –, le passé n’existerait pas. Donc, pour être du temps, il faut que le présent passe; par conséquent, le présent n’est que du temps passé; mais le passé n’est plus puisqu’il est passé. Conclusion: si le temps existe, il faut qu’il n’existe pas… Ouf! Bon, voilà pour les débuts ardus de la réflexion philosophique sur le temps. Le temps n’existerait donc que dans notre conscience, pas dans la réalité. Or, pour nous, modernes, le temps " file à toute allure". Pourquoi? Parce que le temps, c’est de l’argent… Donc, la perception que nous avons du temps provient tout simplement de la civilisation dans laquelle nous baignons, selon laquelle tout doit être utile et mesurable. »
> À la rentrée en septembre, pourquoi sommes-nous si pressés par le temps?
« Parce que l’important, c’est le travail. Nous, modernes, nous ne sommes rien sans le travail, car le travail est foncièrement utile. Ainsi va la modernité. Les vacances nous rappellent que le temps est une invention humaine. En vacances, nous baignons pour un moment dans un monde fait d’activités en apparence " inutiles"; par exemple, contempler la beauté d’un paysage, admirer une œuvre d’art, savourer une rencontre, lire un roman, connaître une autre culture, etc. Pour celui ou celle qui, en vacances, découvre par exemple les cantates de Bach, le temps n’existe plus. »
> Un truc, pour moins courir?
« On m’accusera sans aucun doute de prêcher pour ma paroisse, mais le meilleur moyen de s’évader de l’emprise du temps, c’est de cultiver les arts et la philosophie! »
Voilà pour ces deux perspectives.
Intéressant…non !
Le présent n’existe pas car lorsqu’on songe au présent, il est déjà passé !! Ouf !
Vive le temps….passé. Et vive le futur, c’est ce qui nous tient en vie : avoir des projets, un goût de voir évoluer quelque chose, le goût de s’occuper de quelqu’un. Qui ne se rappelle pas l’excitation des premières rencontres à venir !!, des premiers voyages de planifiés. C’est encore comme c’a, même à mon âge !

lundi 5 septembre 2011

« JE RESPIRE DONC JE SUIS » - SULAK SIVARAKSA

Durant les vacances, j’ai pu lire quelques numéros d’une formidable revue qui s’intitule « Courrier international ». Cet hebdomadaire, publié sous forme d’un journal par la compagnie qui publie le journal « Le Monde », traite des actualités tirées de journaux de partout dans le monde et publie des chroniques très diversifiées sur une multitude de sujets.
Je vous propose quelques extraits de cet excellent article du numéro du 21 juin 2011, qui origine de Sholto Byrnes du journal « The Independant » de Londres.

« Renoncer au matérialisme, réapprendre à vivre en harmonie avec la nature, mettre de côté son ego, redécouvrir les voies de la spiritualité, épouser la non-violence. »
 À 78 ans, Sulak Sivaraksa, infatigable militant bouddhiste, continue d’aller à contre-courant. « La mondialisation est une religion démoniaque qui impose des valeurs matérialistes et une nouvelle forme de colonialisme, » écrit-il dans son livre « The wisdom of Sustainability : Buddhist Economics for the 21st century. » Ce bouddhiste a été pressenti deux fois pour recevoir le prix Nobel de la paix. La dissidente birmane Aung San Suu Kyi, elle-même récipiendaire de ce prix, le considère comme « l’un des plus grands penseurs sociaux d’Asie »
« Le bonheur véritable ne résiderait pas dans les gains matériels ni dans la recherche incessante d’une croissance illimitée. La clef se situerait dans la quête de la sérénité »
 « En Occident, vous avez été endoctrinés avec la notion cartésienne du « Je pense donc je suis ». Mais l’ego, le « moi » n’est pas réel. Nous sommes inter-reliés »
Le bonhomme n’est pas qu’un théoricien. Quarante ans durant, il s’est échiné à mettre en pratique ses grandes pensées, en fondant des ONG en Thaïlande, en enseignant aux quatre coins du monde ou en conseillant le gouvernement du Bhoutan sur l’élaboration de son fameux concept du « bonheur national brut ». Plusieurs fois, il a été persécuté en Thaïlande, car il dérange!
Mu par sa profonde foi religieuse, le vieux sage n’emprunte pas la voie du « Cogito ergo sum » mais celle du « Je respire, donc je suis »
« Sommes-nous arrogants au pointe de faire fi du plus important élément de la vie? Une fois qu’on ara appris à respirer correctement,  à respirer correctement l’air qu’on inspire, à cultiver sa paix intérieure, alors le Bonheur intérieur brut en découlera » « Se débarrasser de l’obsession de la réussite » est tout aussi indispensable. »
Finalement, « Si nous n’introduisons pas la spiritualité dans notre vie, alors….boum, ce sera notre fin »
Voilà, je voulais vous présenter ce personnage haut en couleur, qui suit la même voie que celle du Dallai Lama, mais de façon différente. Renoncer au matérialisme, c'est pas évident!!
Je vous réfère à ma chronique sur le film « Des hommes et des Dieux » qui m’avait réintroduit au concept de spiritualité. Je vous dirai bien humblement que je n’ai pas fait grand chemin depuis!
Intéressant de le lire, surtout lorsqu’on pense aux messages que nous a laissés Jack Layton, dans lettre d’adieux aux Canadiens.
Je vais me pencher un peu plus sur ce concept du « Bonheur Intérieur Brut », je le trouve intéressant. Je vous revient la-dessus.